IX. - Notez que les étapes du progrès spirituel pourraient encore autrement être fixées, selon une trois fois triple ordonnance, accordée à leur triple hiérarchie : trois étapes sont d'abord nécessaires à chacune; savoir : l'AMERTUME, la GRATITUDE et la SIMILITUDE; et cela depuis le péché. Car si l'homme n'avait pas péché, il eût suffi de deux pas, la gratitude et la similitude; la reconnaissance, à cause de la grâce; la ressemblance, à cause de la justice. Aujourd'hui est en outre nécessaire l'amertume de la pénitence médicinale : les péchés en effet perpétrés par délectation ne peuvent s'effacer que par une afflictive contrition. 1° Dans cette amertume entre comme éléments : l'appréciation des péchés, à cause de notre propre malice; le souvenir des douleurs, à cause des souffrances du Christ; la postulation des remèdes, à cause des misères du prochain. 2° Dans la gratitude entre comme éléments : l'admiration des bienfaits, à cause de1a création du néant; l'annihilation des mérites, à cause de la réparation du péché; l'action de grâce, à cause de l'arrachement de l'enfer; la création faite à l'image; la rédemption par son propre sang; l'arrachement jusqu'à la hauteur des cieux. 3° Dans la similitude entre comme éléments : un regard de vérité élevé au-dessus de soi; un sentiment de charité dilaté vers le prochain; un effort de virilité ordonné à l'intérieur.
- Ainsi s'opère l'élévation au-dessus de soi dans un regard de vérité d'abord par la contemplation des choses divines, oeuvre d'intelligence; ensuite par l'examen des univers créés, oeuvre de science; enfin par la sujétions des pensées, oeuvre de foi formée. - Semblablement, l'extension autour de soi s'accomplira diligemment en un sentiment de charité : d'abord par appétit des choses éternelles, oeuvre de sapience; par embrassement des félicités rationnelles, oeuvre d'amitié; enfin par rejet des voluptés charnelles, oeuvre de modération. - Pareillement, l'effort de virilité qui s'exercera sur toi-même emploiera d'abord l'attaque des difficultés, oeuvre de courage, ensuite l'accomplissement d'actions louables, oeuvre de magnanimité; enfin l'acceptation des humiliations, oeuvre d'humilité.
X. - La PURIFICATION s'opère dans l'amertume où se trouve : d'abord la contrition, par rapport à soi: elle doit être douloureuse, à cause des maux qui accablent toi, le Christ et le prochain, oeuvre de tristesse; ensuite la compassion, par rapport au Christ : elle doit être craintive, à cause des jugements cachés et néanmoins vrais, bien qu'incertains, quant au temps, au jour et à l'heure, oeuvre de révérence; enfin la commisération par rapport au prochain : elle doit être suppliante, à cause du patronage de Dieu toujours préparé, en vertu des mérites du Christ et de l'intercession des saints : oeuvre de confiance. - L'ILLUMINATION s'opère dans la similitude ou se trouve : d'abord un regard vers la Vérité première, élevé vers les notions incompréhensibles, tourné vers les intelligibles, anéanti devant les révélées; ensuite un sentiment de charité, élevé vers Dieu, tourné vers le prochain, anéanti pour le monde; enfin une virile activité, élevée vers les choses recommandables, tournée vers les communicables, anéantie pour les méprisables. - La PERFECTION enfin s'opère dans la gratitude où se retrouve: la vigilance, qui se lève pour chanter l'utilité des bienfaits; l'allégresse, qui exulte pour jubiler de la précieuseté des dons; la complaisance, qui s'approche pour recevoir le baiser de la libéralité du Donateur.
XI. - Note que le regard de vérité doit être porté en haut vers les actions incompréhensibles; et ce sont les mystères de la Suprême TRINITE. Vers ELLE nous nous élevons par la contemplation. Et ce mouvement s'opère de deux façons : soit par affirmation (ou position); soit par négation (ou retranchement); la première suit saint Augustin, la seconde Denys.
Par voie de position, nous comprenons qu'en la Divinité, certains attributs peuvent être considérés comme communs, certains comme propres, certains comme appropriés et tenant le milieu entre ceux-là et ceux-ci. Comprends en conséquence, et si tu le peux, contemple les attributs communs; et vois d'abord, que Dieu est essence première, nature parfaite, vie bienheureuse, qui entre soi ont une nécessaire connexion. Ensuite, applique-toi, et si tu le peux, vois que Dieu est éternité actuelle, simplicité comblante et immobilité motrice, qui semblablement sont corrélatives et connexes. Enfin, considère que Dieu est lumière inaccessible, esprit immuable et paix incompréhensible, qui incluent non seulement unité d'essence, mais en outre Trinité parfaite. 1. La lumière en effet, en tant que rayonnante, engendre la splendeur, la splendeur et la lumière produisent la chaleur, de sorte que la chaleur procède de l'une et de l'autre, mais non par mode de génération. Si donc Dieu est vraiment lumière inaccessible, où splendeur et chaleur soient substance et hypostase, en Dieu véritablement est un Père, un Fils, un Esprit Saint, qui constituent PROPREMENT les divines Personnes. 2. Ensuite un Esprit, en tant que Principe, conçoit et produit de soi un Verbe et d'eux émane un Don d'amour, et ces processions se trouvent en tout esprit parfait. Si donc Dieu est esprit incorruptible, il est normal que dans l'être divin soit un premier Principe, un Verbe éternel, un Don parfait, qui sont selon leurs vraies propriétés les divines Personnes. 3. La Paix enfin aussi exige union entre plusieurs. Or seuls les semblables peuvent être parfaitement conjoints; mais pour être semblables, il faut l'être ou deux d'un tiers ou l'un d'un autre. Puisque dans la Divinité, deux ne peuvent être d'un tiers de la même manière, il s'impose donc que si en Dieu est une vraie PAIX, ce soit d'une Première Origine et de son Image et de leur mutuelle Connexion. XII. - En Dieu d'autre part les appropriations se manifestent selon une triple distinction : 1. Les attributs d'abord appropriés sont l'Unité, la Vérité, la Bonté. L'Unité est attribuée au Père, parce qu'il est Origine; la Vérité au Fils, parce qu'il est Image; la Bonté à l'Esprit, parce qu'il est Lien. 2. Ensuite sont appropriés le Pouvoir, le Savoir, le Vouloir : le Pouvoir au Père, comme Principe; le Savoir au Fils, comme Verbe; le Vouloir à l'Esprit, comme Don. 3. Enfin sont appropriées la Sublimité, la Beauté, la Suavité: la Sublimité au Père, à cause d'unité et pouvoir; car sublimité se dit d'une puissance sans paire. La Beauté au Fils, par vérité et savoir; car savoir inclut multitude d'idées, et vérité unité, la beauté se disant de la pluralité réduite à l'unité. La Suavité à l'Esprit Saint, par vouloir de bonté, soit bienveillance; car où la suprême Bonté est incluse à la volonté se trouve la souveraine douceur ou suavité. Donc en Dieu existe la Sublimité formidable, la Beauté admirable, la Suavité désirable. ICI ARRETE-TOI! Telle est l'élévation à Dieu par voie d'affirmation.
XIII. - Mais une autre voie conduit plus haut, savoir la voie de négation, parce que selon Denys, les affirmations sont de notions disjointes, la négation est vraie elle semble dire moins, mais elle exprime davantage. Or cette méthode d'élévation procède par reniement de toute chose; de sorte qu'en ces négations s'établisse un ordre qui, passant des choses inférieures jusqu'aux supérieures, se conclut sur une suréminente affirmation. Par exemple on dit : Dieu n'est pas saisissable par les sens, car il est au-dessus des sens; ni par l'imagination, ni par l'intelligence, car il est au-dessus de tout mode de connaître; il n'entre pas dans la catégorie de l'existence, car IL EST CELUI QUI EST. Alors le regard de vérité se porte à travers cette ténèbre de l'esprit et monte plus haut et s'enfonce plus avant parce qu'il se dépasse lui-même et tout le créé. Ce mode d'élévation est le plus noble, et cependant pour qu'il soit parfait, il préexige l'autre, comme la consommation, l'illumination; et la négation, l'affirmation. Et cette ascension est d'autant plus vigoureuse que sa poussée est plus intime, d'autant plus fructueuse que l'affection est plus pénétrée. C'est pourquoi il est grandement utile de s'y exercer souvent.
XIV - Note enfin que la Vérité doit être :1° dans la première Hiérarchie : évoquée par le gémissement et la prière, oeuvre des Anges; écoutée dans l'étude et la lecture, oeuvre des Archanges; annoncée par l'exemple et la prédication, oeuvre des Principautés. 2° Dans la deuxième Hiérarchie : rejointe comme refuge et lieu d'abandon, oeuvre des Puissances; appréhendée par le zèle et l'émulation, oeuvre des Vertus; conjointe dans le mépris de soi et la mortification, oeuvre des Dominations. 3° Dans la troisième Hiérarchie : adorée par le sacrifice et la louange, oeuvre des Trônes; admirée en sortie de soi et contemplation, oeuvre des Chérubins; étreinte dans le baiser de la dilection, oeuvre des Séraphins. Note diligemment tout ce que je t'ai enseigné parce qu'en cela est