la querelle du quinzième centenaire

Michel De Jaeghere:

On pouvait prévoir que la commémoration du baptême de Clovis susciterait des
protestations. La République est bonne fille mais on conçoit que certains
souvenirs lui paraissent hors de saison. Trop catholique, trop royal, trop
Franc. cet anniversaire sentait l'encens, c'est à dire aujourd'hui le
soufre. Ce roi agenouillé devant l'Église, ces évêques reconnus comme les
premiers défenseurs de la Cité, ces conquêtes conçues comme autant de
Croisades pour la défense de la civilisation romaine, puis le triomphe de
l'orthodoxie, cela manquait décidément de sentiments républicains. Tout juste
Clovis avait-il lui aussi tranché quelques têtes, mais pour tout dire
sournoisement, sans panache : sans proclamer que ses victimes étaient des
ennemis de la nation ni manifester, dans le même mouvement, son horreur pour
la peine de mort. Par quoi l'on voit que ce barbare avait tout à apprendre.
Nul ne s'étonnera donc que l'anniversaire de son baptême ne soit pas salué
par une cam-pagne de banquets républicains. On ne s'attendait pas, tout de
même, à apprendre. de la bouche autorisée du grand maître du Grand-orient de
France, que la conversion du roi franc était une " invention du régime de
Vichy " destinée à préparer les esprits à la collabo-ration avec Hitler. On
n'imaginait pas que le réseau Voltaire, qui s'est Illustré depuis quelques
années dans la promotion du Minitel rose, la lutte pour les droits des
homosexuels et l'appel à la répression des " commandos anti IVG " prendrait
la tête d'une Croisade dont le mot d'ordre est: "la France, c'est nous,
Clovis, on s'en fout ". On n'espérait pas que la venue du pape, à l'occasion
de ce quinzième-me centenaire, réunirait contre elle, au sein d'un collectif
tout droit sorti des belles heures de l'Union de la gauche. la fédération
anarchiste, la Ligue communiste révolutionnaire. le PC., le PS.. les Verts,
les Radicaux du probe Tapie et du preux Kouchner. la Ligue des Droits de
l'Homme, le Mrap et la Licra, bouquet impressionnant auquel ne manque que la
soutane noire de l'abbé Pierre, actuellement en convalescence.
On avait tort.
Ce que manifeste, en effet, cette ahurissante mobilisation, c'est
l'importance de l'enjeu de cette commémoration. Ce sont bien deux France
ennemies qui se font face, celles qui se dressent l'une contre l'autre depuis
deux siècles et que n'a réconciliées aucune restauration.
Deux France irréductibles parce qu'elles prétendent, l'une et l'autre, à
l'exclusivité de l'héritage national. La France chrétienne née avec la
christianisation des Gaules, unie dans le creuset d'une foi commune par le
baptême de Clovis, premier roi catholique d'Occident, et dont toute
l'histoire, de Charles Martel aux Croisades, à Saint Louis, et jusqu'aux
martyrs des missions chrétiennes, s'identifie à la défense de la chrétienté.
La France laïque, née avec les légistes de Philippe le Bel. retrouvée avec
l'alliance de François I° avec le Grand Turc, consacrée avec la Révolution
française et l'histoire de la république.
La commémoration du baptême de Clovis vient nous rappeler que nous n'en avons
pas fini avec cette ligne de partage, ce clivage qui a alimenté nos guerres
civiles. 
On a bien vu, Ici ou là, quelques universitaires en mal de reconnaissance
officielle tenter de pré-tendre que Clovis avait inventé la démocratie
moderne, la séparation de Église et de l'état, la société multiculturelle.
Rien de tout cela ne résiste un instant à l'analyse de l'observateur de bonne
foi. Ce que nous rappelle le baptême de Clovis, ce que nous commémorons
aujourd'hui. qu'on le veuille ou non, c'est qu'en France, l'État et la
nation sont apparus sous la forme de la royauté, le sceau du catholicisme. et
la houlette de Église C'est que notre peuple n'est pas le fruit du
brassage permanent de populations, de religions, de cultures que l'on
prétend, mais qu'il est né de la rencontre unique des Gaulois et des Francs
par la commune reconnaissance de la divinité de Jésus-Christ, et qu'en cela,
pareil à aucun autre, il a été marqué par la Providence, investi d'une
mission, celle d'être l'instrument de l'Évangélisation.
C'est ce qui fait que la querelle du quinzième centenaire n'est pas
seulement l'un de ces psychodrames que nous affectionnons. C'est une querelle
existentielle. Elle porte sur le point de savoir ce que nous sommes. et par
là, s'il est souhaitable, utile. nécessaire, que nous perdurions.

Michel De Jaeghere
Directeur de la rédaction, 
Le spectacle du monde

[source : Le Journal du XVème Centenaire. 22 rue Didot, 75014 PARIS Tel: 45
41 29 29]

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