![]() | Article paru dans <<Le Journal du XVème Centenaire>> |
![]() | POINTS D'HISTOIRE Abbé Jean Goy: la sainte Ampoule de Reims (2) |
Après avoir évoqué les étapes de formation de l'histoire de la sainte Ampoule, l'abbé Jean Goy historien et archiviste diocésain, nous présente les différents travaux qui, au cours du temps se sont attachés à expliquer - ou nier - la réalité de cette tradition catholique.
Pour faire suite à notre précédente étude, nous pouvons, envisager deux versions des faits. Soit, le miracle a bien eu lieu comme nous le raconte Hincmar. Peut-on ajouter que l'enjeu de la victoire de la vraie foi pouvait le justifier. Mais pour croire à un miracle, il faut que celui-ci soit sérieusement attesté. Ce n'est pas le cas ici, en particulier à cause du silence des contemporains. Soit le miracle a eu lieu à un autre moment. Ce fut la première position de repli des auteurs du XIII° siècle, comme les abbés Pluche et Vertot et bien d'autres après eux. Il existe au diocèse de Reims une antique " préface des miracles de Saint Rémi " antérieure à Charlemagne. En voici la traduction donnée par l'abbé Pluche: " comme on cherchait le chrême pour baptiser un malade et qu'on n'en trouvait point, il (saint Rémi) fit mettre sur l'autel les ampoules vides, de manière que, s'étant en même temps prosterné pour prier, une céleste rosée répandit le don béni du saint chrême ". L'abbé Pluche de conclure : " Toutes les fables disparaissent et si le miracle de la sainte Ampoule n'est pas si éclatant qu'on le dit ordinairement, la relique n'en devient que plus véritable, puisque ce miracle est plus réel et plus sûr ".
Hincmar aurait donc utilisé d'autres éléments. Nous avons, alors, quatre hypothèses : d'abord, des textes anciens dont il ne reste que peu de choses. En 1945, Dom Lambot publie les oeuvres de Godescal d'Orbais. Au numéro 108, il fait référence à une antienne du bréviaire de Reims antérieure à Hincmar puisque son oeuvre lui est, elle-même, antérieure, et l'on trouve la formule: "le Saint chrême envoyé du ciel". L'année d'après, F Baix publiait un article sur les sources liturgiques de la " Vie de saint Rémi " par Hincmar. Il confirmait ainsi l'exemple de Dom Lambot. Hincmar n'est plus le faussaire dont on a souvent parlé. "Il a emprunté à la liturgie rémoise du VIII° siècle l'histoire de la sainte Ampoule", comme le dit Mr Jean Dervisse dans sa thèse.
Jean-Jacques Chifflet est à l'origine de la deuxième possibilité : une analogie avec le baptême du christ. Celle-ci fut plus amplement étudiée par un Anglais, Sir Francis Oppenheimer (1). Nous savons par les Evangiles synoptiques qu'au moment du baptême du christ, l'Esprit Saint apparut sous la forme d'une colombe et celle-ci est toujours représentée dans les oeuvres sur le baptême du christ. Pourquoi la même colombe ne serait-elle pas apparue au baptême de Clovis pour marquer l'importance de celui-ci ? c'est au IX° siècle, qu'apparaît la première représentation de la colombe tenant l'ampoule pour le baptême de Clovis, sur le plat en ivoire d'un livre provenant de Reims conservé, aujourd'hui, au musée de Picardie. Et par un choc en retour, apparaît. À peu près à la même époque une représentation du baptême du Christ, dans laquelle la colombe tient une ampoule dans son bec. Sir F Oppenheimer en donne plusieurs exemples. Parfois, la colombe aura deux ampoules, car le christ est roi et prêtre. Dans le dessin du " Jardin des délices " de l'abbaye de Sainte Odile. La colombe devient une fiole ailée.
Ensuite, comme le rappelle Marc Bloch dans Les Rois Thaumaturges. En citant le Dictionnaire d'archéologie chrétienne de Dom Cabrol, il était d'usage dans l'Eglise primitive de conserver l'Eucharistie à l'autel, les saintes huiles au baptistère, dans une colombe. Le geste de l'évêque, levant les mains, pour prendre, dans la colombe, le chrême céleste (le mot pourrait être l'équivalent de saint) serait à l'origine du don venu du ciel par la colombe.
La dernière possibilité est largement exposée par Sir F. Oppenheimer. Hincmar, en 852, a procédé à la translation du corps de saint Rémi du sarcophage, dans une chasse. Nous savons que les Romains plaçaient des fioles de parfums près des corps embaumés. Hincmar, trouvant les deux petites fioles près du corps de saint Rémi, aurait pensé que ces deux fioles, Si précieuses que Saint Rémi ait été inhumé avec, seraient celles dont parle tout l'office de l'apôtre des Francs. On peut, du reste, faire la remarque que la sainte Ampoule n'était pas conservée à la cathédrale, mais, bel et bien dans le tombeau de saint Rémi, près de la chasse qui renfermait son corps.
Voilà donc brièvement exposées les différentes hypothèses qui ont été émises sur l'origine de la sainte Ampoule. La vérité s'y trouve, peut-être est-elle encore ailleurs?
Abbé Jean Goy Historien, archiviste de l'archevêché
1. Sir F Oppenheimer, "the legend of the Sainte Ampoule, Londres 1954.
m.a.j. le 21/04/02