La Ballade de Saint Nicolas

Vous connaissez tous le Père Ambroise, celui qui habite la petite maison en briques rouges, au carrefour de la route de saint Viâtre. Un bon bonhomme le Père Ambroise, un gars du pays qui a passé trente-cinq ans à Romorantin où il exerçait le métier de cordonnier pas loin du Carrosse Doré.

A l’heure de la retraite, il y a dix ans, il est revenu s’installer dans la maison où ses parents avaient toujours habité.

Avec sa femme, ils avaient tout pour être heureux, mais malheureusement il y a cinq ans Georgette est morte subitement. Le couple n’avait pas eu d’enfants si bien qu’Antoine est resté tout seul. Au début çà été dur ! Mais le Vieux ne s’est pas laissé aller. Il n’a pas les deux pieds dans le même sabot. C’est lui qui est le bras droit de notre curé, sacristain, chantre, joueur d’harmonium. Comme notre brave pasteur doit maintenant desservir huit paroisses on s'demande comment cela se passerait sans l’aide du Père Ambroise... De plus, ce n’est pas un gars sectaire, quand il le faut, il donne un coup de main au maire qui pourtant n’est pas tellement calotin. Par contre il n’a jamais voulu faire partie du Conseil Municipal. Quand on lui en parle, il dit toujours :

- « Vous voyez, moi, j’aime la paix et la tranquillité, alors, j’vois pas c’que je f’rais avec tous ces rigolos qui passe leur temps à désosser les moustiques et à s’chamailler comm’des p’tis drôles à la Communale. J’ai pas l’virus de la politique, moi, çà m’empêche pas d’rend’e service quand on m’le d’mande.

C’est aussi un champion de la pêche à la ligne et à la belote. Et, j’vais vous faire une confidence : Il n’y a pas de meilleur que lui pour faire le braconnage. Depuis des années le garde chasse du Coté de Maisonfort passe son temps à essayer de la prendre en flagrant délit mais le Père Ambroise est bien trop malin pour se faire gauler.

Tour cela pur vous raconter ce qui s’est passé la nuit de Noël de l’an passé…

Comme je vous l’ai déjà dit, le Père Ambroise est toujours disponible quand on a besoin de Lui. Ce qui l’a amené à devenir à ce qu’on appelle en ville un « Baby Sitter »

Pas loin de chez lui, au bout de l’étang des Caquesiaux (des moustiques), habite la famille De Klerk, des gens du Nord de la France qui sont venus d’installer là, parce que le père de famille est ingénieur chez Matra à Romorantin.

C’est une famille comme on en voit plus, ils ont huit enfants ! La mère reste au foyer, bien entendu, alors de temps en temps, quand elle doit s’absenter pour aller faire des courses, elle demande au père Ambroise de garder les plus jeunes qui ne vont pas encore à l’école. Les gosses l’adorent et l’appellent « Tonton Ambroise » ce qui fait qu’il se sent bien dans cette famille particulièrement chaleureuse.

Un soir du mois de décembre alors qu’il dînait bien dans cette famille, ils évoquèrent la fête de Noël qui approchait :

- « Alors » d'manda Ambroise, « je suppose que vous allez partir dans le Nord passer les fêtes avec les grands-Parents » ?

- «  Eh bien, pour une fois, ce sont eux qui vont faire le déplacement. Nous passerons Noël ici, en famille et vous viendrez bien réveillonner avec nous » ?

- « J’vous remercie bien, mais c’est pas pour çà que je parais de Noël »

- « On le sait bien père Ambroise »

- « Vous voulez t’y que je vous trouve un beau sapin » ?

- « Nous vous faisons confiance, mais pas trop grand, quand même »

- « Ce m’fera plaisir… Tenez, l’aut’jour à la télévision j’ai regardé un film o% une famille nombreuse comme la votre, d’mandait à un ami de se déguiser en Père Noël pour distribuer les cadeaux aux enfants »

 

Les De Klerk firent la mou.

- « vous savez, nous trouvons que le Père Noël est plutôt un symbole païen et nous préférons parler aux enfants du petit Jésus »

- dans notre région la tradition c’est Saint Nicolas, c’est Lui qui amène les cadeaux, explique monsieur DE Klerk. »

- « En somme, y suffisait d’se déguiser en Saint Nicolas »

- « C’était un évêque, précisa madame De Klerk en riant »

- « Bien sûr, je sais çà !, répondit Ambroise qui avait une idée derrière la tête… Et qu’est-ce que vous penseriez su j’arrivais déguisé en Evêque » ?

Les De Klerk partirent d’un grand éclat de rire…

- « Cela vous ira fort bien »

- « Et vous pensez que cela ferait plaisir aux enfants » ?

- « Bien sûr, ça serait très original, mais comment trouver un costume d’évêque » ?

- « Vous en faites pas, j’va arranger ça avec M’sieur l’curé, il a l’air très sérieux comme ça mais il y est pas contre les rigolades, surtout pour le bon motif… »

V Ainsi fut décidée la mise en scène programmée pour la veillée de Noël. Ambroise demanda au curé de lui procurer une aube, un surplis et une belle chasuble rouge. Il se confectionna une superbe mitre dorée et une grande crosse. Il fit le voyage jusqu’à Orléans pour louer une perruque blanche et une grande barbe assortie. L’avant veille de Noël tout était fin prêt.

La messe solennelle de Noël devait être célébrée dans une commune proche à 21 heures. Ambroise tenait l’harmonium et il chanta le traditionnel « Minuit Chrétiens » suivi de l’ordinaire de la messe qui se termina par « Il est né le divin Enfant »

Dès la fin de la cérémonie Ambroise rentra chez lui et endossa son déguisement. Tout avait été réglé avec les parents De Klerk, il devait arriver à 23H45 alors que toute la famille serait réunie dans la salle à manger. Le sapin sous lequel était disposé tous les cadeaux se dressait dans la grande dans la grande salle de séjour. Ambroise s’i glisserait discrètement et aux douze coups de minuit toute la famille entrerait et ce serait la distribution des cadeaux.

 

La Maison des DE KMERKS se trouvait à un petit kilomètre de celle d’Ambroise. Il suffisait de suivre le chemin qui longeait l’étang. Quand Il fut habillé de pied en cape, Ambroise se dit :

- « J’vas quand même pas y aller en vélo, avec tout mon attirail. J’risquerais d’me fiche par terre ! »

La nuit était belle, la lune brillait dans un ciel limpide et étoilé. Il ne faisait pas tellement froid pour la saison. Une très belle nuit de Noël !

Le Père Ambroise, en vrai braconnier, possédait des yeux de chat. Il n’avait pas besoin de sa lanterne pour se diriger sur un terrain qu’il connaissait parfaitement. Tout à coup, il aperçu un lapin pris au collet.

- « bizarre, se dit-il, c’est pas moi qu’ai mis ce collet là… ce s’rait moi, on le verrai pas… » IL s’arrêta, intrigué et bougonna.

- « Bon d’la ! ça s’rait bien ce salopard de garde chasse qu’a voulu m’tendre un piège. Il a dû en mett’un plus loin et lui, y s’ra caché derrière un arbre avec son chien. »

IL se baissa, détacha le lapin du collet et le fît glisser dans l’eau, puis il s’enfonça à travers bois et continua son chemin, le tout, sans faire aucun bruit, c’est le B.A. BA du bon braco.

Le garde chasse, l’abominable Ballochon, avait, avant toute chose, le tort de ne pas être solognot. Tapi derrière le tronc d’un gros chêne il parlait à son chien. C’était un manie chez lui. Ambroise, à une dizaine de mètre de lui, l’entendait distinctement.

- « tu vas voir, GrosChien, quand il va décrocher le troisième lapin je lui sauterais dessus. Joyeux Noël que je lui dirai ! Et paf ! je le chope en flagrant délit, procès verbal et tout et tout. Ca va saigner ! »


Le chien, qui malgré son nom, n’était pas tellement gros, sembla se désintéresser du plan diabolique de son maître vu qu’il ne répondit rien et détourné la tête.

Ambroise ricana dans sa barbe et retourné sur la chemin, là, il alluma sa lanterne, empoigna sa crosse épiscopale et s’avança à grands pas en chantant le « Tantum Ergo »

- « Tantum Ergo sacramentum » vocalisa- t-il à tue tête de sa belle voix de baryton.

Lorsqu’il passa devant la cachette de Ballochon, ce dernier, incapable de faire un geste, contempla le yeux exorbités, la vision de cauchemar qui s’offrait à lui : raide comme un automate le père Ambroise continua son chemin en chantant.

«  Et antiqum documentum… » GrosChien poussa un gémissement et s’enfuit tandis que son maître se dressait. Il recula, trébucha, et s’étala dans le fougères en invoquant la mémoire du général Cambronne. Pendant ce temps la vision avait disparue et le silence succéda à la psalmodie. Assis sur le sol humide, Ballochon balbutiait en se frottant la tête :

- « mais c’est pas possible ! je rêve… c’est un cauchemar… GrosChien ! GrosChien ! au pied… mais où il est passé ce cabot de malheur… pourquoi il a eu peur comme ça ? Qu’est-ce ce que cette histoire ?

Quand il fut hors de portée du garde, Ambroise éteignit sa lanterne et hâta le pas.

- « Eh ben, mon gros Ballochon, je t’ai encore eu, vieille fripouille, grommela-t-il avec une certaine jubilation.

La suite des opérations se déroula comme prévu. Quand, la famille entra dans la salle de séjour, Saint Nicolas attendait, majestueux, près du sapin illuminé. Les hurlements de joie des enfants saluèrent cette vision inattendue. Sans prononcer un mot, Ambroise distribua les cadeaux et tandis que tous ouvraient fébrilement leurs paquets il s’éclipsa sans se faire remarquer.

Il se passa bien dix minutes avant que les enfants ne se rendissent compte de sa disparition.

- Dis papa, demanda la petite Claire, 4 ans, ou il est parti Saint Nicolas ?

- Eh bien, répondit le père, il continue sa tournée, il a beaucoup d’autres enfants qui attendent leurs cadeaux.

A ce moment là on frappa à la porte, c’était Ambroise qui s’était débarrassé de son déguisement fut accueilli avec enthousiasme. Les enfants lui racontèrent avec force détails le passage du Saint Evêque.

- Tu ne l’as pas rencontré en venant ici ? lui demandérent-ils.

- Non … Il a du passer par un autre chemin.

Ce fut ensuite le réveillon, on mangea la dinde, la bûche traditionnelle tout en écoutant des chants de Noël.

Puis, vint l’heure pour les enfants d’aller se coucher.

Ambroise resta un bon moment à bavarder avec les parents et grands-parents. A deux heures du matin il pris congé.

- Je vais vous ramener chez vous en voiture, proposa monsieur De KLERT.

- Merci mille fois, mais, voyez-vous après l’excellent repas que vous m’avez offert j’ai besoin de prendre l’air. Je vais d’abord aller récupérer mon déguisement épiscopal, il ne faudrait pas que les enfants le découvre dans la grange demain matin.

Quand il atteignit l’étang, une idée diabolique lui passa par la tête. Il réfléchit un moment, remit son déguisement et quand il fut auprès <des roseaux il monta dans la barque qui se trouvait toujours à cet endroit.

Après avoir posé sa lanterne allumée à l’avant de l’embarcation il se lança sur l’eau, dirigeant au moyen de sa crosse.

Le pavillon dans lequel vivait le garde chasse se trouvait à une cinquantaine de mètres du bord de l’étang. Lorsque Ambroise l’aperçu il se mit à chanter à tue-tête «  Les anges dans nos campagnes ont entonné l’hymne des cieux ».

Ballonchon était rentré chez lui dans un état proche de la crise de nerfs. Quand il s’était glissé dans le lit conjugal, sa femme avait marmonné

- Tout va bien ? Tu as l’air tout chose.

- J’ai l’air que j’ai, avait-il répondu sèchement en se calant la tête sur l’oreiller.

- Si je comprends bien, le père Ambroise t’a encore filé entre les doigts, lança t-elle sarcastique.

Le bonhomme avait du faire un effort surhumain pour resté poli, il ne répondit pas et éteignit la lampe de chevet.

En entendant sa femme ronfler il se disait qu’elle avait bien de la chance de pouvoir dormir alors que lui ne parvenait pas à chasser de son esprit la vision. Il avait beau se persuader qu’il avait rêvé, cela ne suffisait pas à calmer sa nervosité.

Tout à coup il se dressa dans son lit et tendit l’oreille … dehors, il entendait chanter …

- Vingt dieux, dit-il qu’est ce qui se passe encore ?

Il sauta de sa couche, passa dans la cuisine, ouvrit la fenêtre et faillit se trouver mal en retrouvant sa vision … le même personnage, l’Evêque, dressé au milieu de l’étang, sa silhouette éclairée par la lanterne. Et, dans la brume qui s’était formée à la surface de l’eau il avait l’impression que le personnage se déplaçait au-dessus de l’eau. Et le « fantôme » hurlait « glo-o.o.o.o.o ooooooooria, in excelsia déo ».

Il pensa bien à ce moment là aller réveiller son épouse afin de la prendre pour témoin, mais la vision disparut dans la brume et la voix se tût.

Ballochon ferma la fenêtre, s’effondra sur une chaise et les coudes sur la table il marmonna

- c’est pas possible – je deviens fou, j’ai des hallucinations.

Il se leva, alla chercher une bouteille de marc qui se trouvait dans le buffet et s’enfila trois verres à la suite; cul sec !

L’alcool fit son effet et il s’endormit la tête sur la table.

Au petit matin sa femme dût le secouer énergiquement pour le sortir du sommeil. Il s’ensuivit une scène de ménage épouvantable émaillée de « nom d’oiseaux » qu’il serait inconvenant de rapporter ici.

Le pauvre homme aurait bien voulu lui expliquer la raison de ce comportement inhabituel, mais aller donc expliquer à une femme en furie que vous avez vu un évêque en grande tenue se balader à la surface de l’étang en pleine nuit de Noël.

Le dimanche après la fête de Noël Ballachon conduisit sa femme au village pour la messe. Comme beaucoup de bonshommes du pays il ne fréquentait guère le sein lieu en dehors des mariages ou des enterrements et il avait l’habitude d’attendre la fin de l’office au café des chasseurs. Or ce matin là, surprise! Le bistrot était fermé – il apprit par le boulanger que les patrons s’étaient rendus à Blois pour une réunion de famille. Comme il n’avait pas d’autres débit de boisson dans le bourg, le garde résolut de se promener. Il faisait frisquet et il n’y avait pas un chat dans les rues.

Il contournait l’église quand il entendit le curé qui avait une voix de stentor, entonner «  credo in unum deum … » et une autre voix qui’ accompagnée par l’harmonium continuait « patrum omnipetentem … etc … ».

S’il n’avait pas eu les cheveux coupés très courts, Ballochon les aurait senti se dresser sur sa tête. C’était la voix … celle de sa vision nocturne!

- Bon d’la de non de d’la fit il entre ses dents et sans réfléchir il poussa la porte de l’église. Son entrée discrète ne fut pas remarquée, l’assemblée debout chantant le credo, et les derniers bancs étaient inoccupés. Il s’assit et c’est là qu’il vit le père AAAAmbroise qui chantait en s’accompagnant à l’harmonium.

- Ah le voyou ! se dit-il en serrant les poings et fronçant les sourcils. C’est lui le salopard qui s’est déguisé pour m’effrayer.

Ballochon n’osa pas sortir avant la fin de l’office de peur d’attirer l’attention – Assis dans le dernier banc ses pensées étaient bien éloignées de la liturgie du dimanche de la sainte famille.

«  La vengeance est un plat qui se mange froid, se répétait-il ……. Mais je l’aurai, ce cochon »

En le retrouvant à la porte de l’église sa femme faillit avoir une attaque … et les gens jasèrent :

- Tiens … d’habitude sa femme doit aller le chercher au bistrot … eh ben !

- Le café était fermée expliqua Ballochon à sa moitié, il faisait froid, alors je suis entré

- Les cafés devraient toujours être fermés les dimanches, comme ça les bonshommes boiraient moins ! conclut la dame d’un air pincé.

Dans l’après midi les Ballochon reçurent un coup de téléphone ; la sœur de madame était malade – c’était une femme âgée qui vivait seule à Romorentin et elle avait besoin d’aide.

- Tu n’as qu’à aller passer quelques jours avec elle, je t’y conduirai demain matin, proposa le garde.

- C’est pas demain matin que tu vas m’y conduire c’est tout à l’heure, après déjeuner. Décida la bonne femme d’un ton qui n’admettait pas la réplique.

Ballochon ne discuta pas, trop content à la perspective de passer quelques jours en célibataire d’autant plus qu’il avait besoin de calme pour mettre au point sa vengeance.

C’est en revenant de conduire sa femme dans la capitale de la Sologne qu’il concocta un plan … un scénario machiavélique qui allait faire regretter au père Ambroise ses frasques nocturnes.

- J’espère qu’il a le cœur solide dit-il tout haut dans sa voiture … ça va faire mal ! très mal ! cette crapule va se rendre compte que Ballochon ne se laisse pas marcher sur les pieds. Ah mais!

Il passa le reste de l’après midi et la soirée à peaufiner ce qu’il nommait son « commando de représailles » content de lui, il se coucha et ne tarda pas à trouver le sommeil.

Le lendemain il se leva à cinq heures comme chaque jour … à six heures son fusil en bandoulière, suivi de son chien, il commença sa tournée. Il ne faisait pas chaud, la gelée blanche recouvrait l’herbe et les branches des arbres.

Le jour s’était levé quand il atteignit les commun du château. Après s’être assuré qu’il était bien seul sur les lieux, il pénétra dans une petite grange où il savait trouver ce dont il avait besoin pour mener à bien son action punitive qu’il avait programmée pour le soir même.

Tous les ans, au moins de juin, les châtelains organisaient une fête de nuit au cours de laquelle était un grand feu d’artifice. Ballochon savait qu’il restait toujours quelques pétards ainsi que des feux de Bengale rangés dans une vieille armoire. Personne ne remarquerait l’absence de deux ou trois de ces accessoires pyrotechniques – Il enfouit dans les vastes poches de son blouson de chasse deux gros pétards et quatre feux de Bengale.

- Tu vois Groschien, dit-il à son compagnon à quatre pattes, le père Ambroise ne perd rien pour attendre – Il va en avoir pour son argent … spectacle gratuit … ça va décoiffer !!

Cela fait, il continua tranquillement sa tournée à travers bois en sifflotant.

Le soir, vers onze heures, Ballochon entreprit de se déguiser – Il enfila un vieux pantalon rouge appartenant à un de ses fils, un chemisier rouge de sa femme et une grande cape noire dont il se servait de temps en temps pour ses tournées nocturnes, lorsque le thermomètre était très bas – Il compléta sa transformation en se coiffant d’un chapeau noir à larges bords.

Il ricana en contemplant dans la glace de la chambre à coucher sa silhouette inquiétante.

- Avec ça je vais lui flanquer la trouille de sa vie … il a voulu jouer à l’évêque, je vais jouer le diable !

Quand il sortit dans la cour, son chien le regarda d’un air navré, alla se cacher dans sa niche.

La maison du père Ambroise se trouvait au milieu d’un grand jardin entouré d’une clôture de bois – Ce soir là l’ex-évêque avait regardé un film à la télévision – A onze heures il sortit sur le pas de la porte et regarda le ciel étoilé.

- Y va pas fair’chaud d’main matin fit-il tout haut.

Il sifflota pour appeler son chien mais celui-ci ne répondit pas à son appel.

- Tiens, le camarade Galopin, a du aller à la chasse, dit-il en vidant sa pipe contre le mur, tel maître , tel chien!

Dix minutes plus tard, bien au chaud dans son lit il dormait à poings fermés.

C’est une détonation qui le tira de son sommeil.

- Vain dieu qu’est ce qui s’passe, grommela t-il en sautant du lit – Il regarda l’heure de son réveil matin … minuit pile – Une seconde détonation retentit et il put apercevoir une espèce de fumée rouge qui était apparue derrière les fenêtres – Ayant poussé les volets il aperçut une silhouette rouge et noire gesticuler sur l’échelle qui était appuyée à son gros noyer.

- Qu’est ce que c’est que c’te comédie ? et il alla décrocher son fusil de chasse.

 

Alors qu’il ouvrait sa porte il entendit de furieux aboiements – Il sortit, fit quelques pas et put apercevoir à la lueur des feux de Bengale son gros berger beauceron, Galopin au pied de l’échelle tenant en respect la silhouette rouge et noire.

- Qui va là ? hurla t-il … première sommation et il tira un coup de fusil en l’air – Répondez, je ne le r'pétrais pas.

- Non, non, ne tirez pas je vous en supplie.

Ces supplications n’apaisaient pas le chien qui remplissait honnêtement son rôle de gardien.

- Tais toi, Galopin, ordonna son maître, tu vois donc pas qu’c’est notre ami môssieur Ballochon qui est entrain d’gauler des noix!

Il braqua sa torche électrique sur le garde qui n’en menait pas large.

- «  eh ben, dites donc, «  fi’ Ambroise en riant, c’est-y qu’on s’rait déjà arrivé à Carnaval ? Allez, descendez vous allez tomber si vous rester gauvhésur c’t’arbre… c’est pas prudent à c’t’äge… »

Ballochon descendit de l’échelle en balbutiant :

- « vous tenez bien votre chien, oui ? « 

- « mais oui, mais oui, y veut pas vous manger ; ayez pas peur, y vous a r’connu… »

Quand le garde eut retrouvé la terre ferme, Ambroise lui dit en riant :

- « alors, on voulait faire peur au père Ambroise ? »

- « Ambroise, vieille canaille, souvenez-vous de la nuit de Noël. »

- « Ah oui… Saint Nicolas… »

- « j’ai cru devenir fou… »

- - c’était une petite plaisanterie, rien d’autre »

- « peut être, mais j’ai craqué, alors quand j’ai découvert que c’était vous… j’ai voulu vous rendre la pareille… »

- - « oui, mais Saint Nicolas et le diable ça va pas ensemble… Allez, m’Ballochon, continua-t-il, en lui tapant sur l’épaule, venez à la maison, vous allez attrapez froid, et moi aussi. »

Quand ils furent installés confortablement autour d’un bol de café bien chaud, Ambroise demanda à son hôte :

- « j’aimerai bien savoir comment vous avez deviné que c’était moi Saint Nicolas ? »

- «  eh bien, hier, je suis entré à l’Eglise quand vous chantier le Credo… »

Ambroise applaudit :

- « Bravo, allons voyez si vous alliez régulièrement à la messe, vous auriez reconnu ma voix du premier coup… mais dites, ça vous arrive souvent de jouer au diable ? »

- - « et vous ? de vous déguiser en évêque , »

- «  moi, mon cher, c’était pour le bon motif… »

Et il lui raconta le réveillon chez les De klerk.

Eh bien vous me croirez si vous voulez, mais au bout de trois cafés et de quatre verres de gnole, les deux bonhommes étaient réconciliés.

Comme on dit souvent dans les « Western » « les voix du Seigneur ont impénétrables » .

 

Encore un miracle de Noël !

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