LA BIBLE EST ELLE INSPIRÉE ?

 

Les chrétiens disent volontiers que la Bible est la "Parole de Dieu". Cette affirmation s'appuie essentiellement sur deux textes du Nouveau Testament :

- «Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice» (2 Tm 3,16) ;

"Ce n’est pas d’une volonté humaine qu’est jamais venue une prophétie, c’est poussés par l’Esprit-Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu» (2 P 1,21).

Mais il importe de bien interpréter le sens de ces paroles afin de comprendre ce que cela veut dire et ce que cela ne veut pas dire, et ne pas faire de fausse interprétation.

 

CE QUE N’EST PAS L’INSPIRATION

Elle n'est ni la dictée par Dieu lui-même du texte sacré (comme l’est le Coran, selon la foi des musulmans), ni l’approbation par Dieu a posteriori d’une œuvre humaine faite sans lui , ni même le simple fait que Dieu aurait préservé de l’erreur les écrivains sacrés.

 

CE QU’EST L’INSPIRATION

Alors de quoi s'agit il ?

Le Concile Vatican II, dans la Constitution Dei Verbum (n° 11) en donne une définition soigneusement pesée ;

«Les livres entiers, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes leurs parties, la sainte mère Église, de par la foi apostolique, les tient pour sacrés et canoniques, du fait que, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit-Saint, ils ont Dieu pour auteur et ont été transmis à l’Église comme tels. Mais, pour composer les livres saints, Dieu a choisi des hommes qu’il a employés, eux-mêmes usant de leurs facultés et de leurs forces propres, de sorte que, agissant lui-même en eux et par eux, ils transmettent par écrit, en véritables auteurs, tout et cela seulement que lui-même voulait.»

Selon ce texte, le phénomène de l’inspiration scripturaire met donc en scène trois acteurs : Dieu, les auteurs bibliques et l’Église.

 

1/ Dieu

«Ils ont Dieu pour auteur» : l’auteur principal de la Bible, c’est Dieu ; c’est lui qui a pris l’initiative de se faire ainsi connaître aux hommes et de leur faire connaître la vérité.

 

2/ Les auteurs bibliques

«Dans la sainte Écriture, Dieu a parlé par des hommes à la manière des hommes» (Dei Verbum, n° 12). La Bible n’a donc pas été dictée par des anges, elle a bien été écrite par des hommes, qui en sont les "auteurs instrumentaux". Mais Dieu a utilisé ces auteurs non comme des automates ni en les plaçant sous hypnose, mais en respectant leur liberté ; non seulement il n’a en rien entravé leur génie propre, leur culture et leur mode d’expression, mais il les a mis à profit. Les auteurs bibliques sont donc de vrais auteurs, dont peut étudier les textes avec les méthodes de la critique littéraire, dont on peut chercher à connaître l’intention, le caractère, les sources, etc. En véritables auteurs, Isaïe, Jérémie, Matthieu ou Paul nous adressent une parole qui est à la fois la leur et celle de Dieu. Dans la Bible, tout est de Dieu et tout est de l’homme. La grâce d’inspiration divine agit tellement à l’intime de l’homme qu’elle respecte sa liberté et ne violente en rien ses propres capacités ; seul Dieu est ainsi capable de mouvoir l’homme de l’intérieur sans violer sa liberté. C’est ainsi que les auteurs sacrés ne sont pas des magnétophones, mais des interprètes intelligents, et leurs ouvrages non des photographies mais des tableaux marqués par leur art personnel.

Par conséquent, c’est une fausse question de se demander si ce sont les livres ou les auteurs qui sont inspirés : le texte déjà cité de Dei Verbum parle de "livres rédigés sous l’inspiration de l’Esprit-Saint" et d’"auteurs inspirés ou hagiographes" ; 2 Tm 3,16 parle d’"Écriture inspirée", et 2 P 1,21 d’"hommes poussés par l’Esprit-Saint".

 

3/ L’Église

L’inspiration scripturaire ne se sépare pas de l’action de l’Esprit-Saint, car la Parole de Dieu est indissociable du Peuple de Dieu dans lequel elle est prononcée, du dessein de Dieu sur ce peuple et, à travers lui, sur toute l’humanité. C’est pourquoi l’inspiration divine s’étend à toutes les phases de l’histoire sainte : phase préparatoire de l’Ancien Testament, où Dieu annonce le salut messianique et, à travers ses pasteurs et ses prophètes, prépare son peuple à le recevoir ; phase d’accomplissement du Nouveau Testament, où Dieu envoie parmi les hommes sont Fils unique, le Messie, Jésus-Christ, qui est son ultime et définitive parole.

Avant d’être écrit, le message a été vécu et parlé; il a culminé dans l’événement qu’est Jésus-Christ, lequel n’a rien écrit mais en qui Dieu nous a tout dit (cf. Hé 1,1-2). C’est le même Esprit qui a fait vivre l’Évangile et ensuite l’a fait écrire. Dieu parle donc dans, pour et à travers la communauté des croyants ; l’écrivain sacré ne doit jamais en être séparé, pas plus que l’écrit ne doit être séparé de la vie qui l’a précédé : Abraham, les patriarches, les rois, les prophètes et tout Israël ont fait l’histoire sainte avant qu’elle ne soit écrite ; les apôtres ont fait l’Église avant qu’elle ne soit décrite.

Enfin, c’est l’Église elle-même qui, mue par l’Esprit-Saint, a reconnu le caractère inspiré des livres saints. Selon saint Irénée de Lyon, le signe déterminant pour cette reconnaissance est la permanence de l’usage de ces livres dans le Peuple de Dieu et l’affirmation de leur autorité normative par les hommes choisis pour être ministres de la Parole de Dieu et accrédités par la succession apostolique.

 

INSPIRATION ET IN ERRANCE

L’inspiration a pour but de révéler le mystère de Dieu aux hommes. Qu’est-ce que ce mystère ? Une vérité de vie : Dieu dévoile qui il est, le Dieu unique, vivant et vrai. Quel est le but de la révélation ? La rencontre personnelle de l’homme avec ce Dieu vivant. De quelle nature est-elle ? Non pas initiatique, mais pédagogique ; Dieu s’adapte à l’humble capacité de l’homme en lui découvrant peu à peu les secrets de son cœur et en le redressant progressivement pour le rendre capable de vivre en communion intime avec lui. «Pour rendre assimilable un gramme de vérité transcendante, il faut des tonnes d’histoire éducative ou distrayante, de psaumes, d’oracles... Tout ce qui fait l’éducation d’un peuple au cours de sa croissance».

La vérité ou l’inerrance de l’Écriture doit s’entendre en ce sens là : elle éclaire l’homme sur le problème fondamental de son salut .«Il faut confesser que les livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu, en vue de notre salut, a voulu enseigner dans les saintes lettres» (Dei Verbum, n° 11).

Il peut donc y avoir des erreurs matérielles, historiques ou scientifiques dans la Bible : sa vérité est d’un autre ordre, celui du mystère de Dieu et du salut de l’homme ; en ce qui concerne le salut et la foi, Dieu ne se trompe pas et il ne nous trompe pas non plus. Il faut toujours lire la Bible dans cette perspective et en tenant compte du caractère progressif et pédagogique de la Révélation qui s’achève dans le Christ.

«L’Écriture nous apprend comment on va au ciel et non comment va le ciel», disait le cardinal Baronius. Quand elle raconte la création, la Bible ne fait pas de science, mais elle donne une définition théologique de l’homme dans l’univers créé par Dieu. Les faits qu’elle rapporte ne sont pas inexistants, sinon notre foi reposerait sur du vide, mais ils sont envisagés sous leur angle religieux, dans leur lien avec l’histoire du salut. La Bible estime la valeur d’un fait à ce qu’il dit de Dieu.

 

CONCLUSION

Pour comprendre la Bible, il faut :

- entrer dans les intentions de l’auteur et examiner les formes littéraire de son langage ;

- garder sous les yeux le contenu de toute l’Écriture ;

- la lire et la méditer avec l’Esprit-Saint dans lequel elle a été composée ; c’est cet Esprit qui nous fera entrer progressivement dans son intelligence ;

- la lire à l’intérieur de la vivante tradition de l’Église qui possède cet Esprit et a acquis l’expérience et la connaissance intime des choses de Dieu.

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dernière mise à jour : 17/12/03