Cet
article a paru dans FAMILLES CHRÉTIENNES (52 rue Taitbout 75009 PARIS) du 09/05/96
Jean-Jacques
Docteur
d’État en philosophie, Michel Lacroix a enquêté sur plusieurs groupes
dans la mouvance du Nouvel Age. De cette vaste nébuleuse, il fait une analyse
très critique.
C’est,
tout d’abord, une vision du temps: l’homme se trouve au seuil d’un
changement décisif, qui va modifier profondément le cours de l’histoire.
Selon ce nouveau millénarisme, nous serions sur le point d’entrer
dans l’ère du Verseau, une ère de paix, d’amour, de haute spiritualité,
qui devrait durer plusieurs centaines d’années. C’est aussi une vision de
la réalité. Le Nouvel Age se veut une métaphysique qui dévoile l’essence
de la réalité, en expliquant qu’elle est fondamentalement une:
« Tout est un « . Ce postulat a un nom, l’holisme. On parlera
donc de la vision holistique du Nouvel Age.
Enfin, c’est la conviction que l’homme doit changer. Le Nouvel Age
préconise que l’homme doit se transformer radicalement pour remédier à l’état
de séparation, de non-fusion, dans lequel il vit, qui lui fait percevoir le
monde de façon erronée. Replié sur lui-même, son ego finit par s’atrophier.
Pour guérir ce « moi « malade, le Nouvel Age propose donc
les fameuses techniques « d’élargissement de la conscience «
qui font de l’individu un homme sans frontière, aux dimensions du Tout.
Les
conversations à l’entrée comme à la sortie des rencontres sont celles de
cadres de milieux culturels favorisés. Leur formation est plutôt
scientifique, c’est peut-être pour cela qu’ils s’estiment forts et
prémunis. Ils n’ont rien de
marginaux. Mais on ressent nettement une quête d’équilibre intérieur, d’un
remède au stress, à la dureté de la vie. La qualité d’écoute et le
charisme des meneurs m’ont frappe. Ils proposent de vous venir en aide par
leur savoir supérieur. Je me souviens très bien d’un leader qui était
tout à fait atypique, jouant sur tous les tableaux: celui du conseil
spirituel, de la sagesse, de l’occultisme, de la thérapie, de la
psychologie. Il était fascinant.
Je me suis rendu compte par la suite que, sans le savoir, j’étais dans les
locaux de la secte Moon.
Le
Nouvel Age est porté par une vague irrésistible. Beaucoup de gens l’enterrent
en pensant que la mode est passée, que c’était qu’une étape. Ils ne se
rendent pas compte que demeure un état d’esprit, une façon de penser.
Je le sens bien avec mes élèves en philosophie. Ils sont marqués par
cette culture et très sensibles à des thèmes comme la drogue, la fusion, le
développement personnel, l’harmonie... Certaines notions rationnelles sont
pour eux difficiles à aborder.
De
même, le Nouvel Age a très bien pénétré dans la littérature - le succès
du roman « L’Alchimiste »
, de Paulo Coelho, est
révélateur. Beaucoup de
médecins, ou de formateurs en entreprise, sont également imprégnés de ces
idées. Il n’est pas innocent qu’Avatar, qui propose des stages en
entreprise, ait été fonde par Harry Palmer, ancien membre de la
Scientologie.
Le
Nouvel Age pose les bases d’un système fondamentalement totalitaire. En
effet, tout en promettant l’accès a un bonheur inédit, il met l’individu
sous tutelle en l’invitant a se mettre en retrait
du monde, a « lâcher prise » .
L’individu
étant malléable, les états de conscience modifiés auquel l’adepte va peu
a peu accéder lui permettent de se façonner un être nouveau. En même temps, c’est l’apothéose de la culture du moi,
très en phase avec l’individualisme contemporain. Ce lien avec les sectes a
été corrobore par le rapport Guyard (rapport des parlementaires sur les
sectes), qui constate que le nouvel Age est le grand vainqueur de la
compétition sectaire. Il constitue pour les sectes un laboratoire d’idées,
une nébuleuse fluide et amorphe ou elles peuvent prendre forme.
On
retrouve en effet dans le Nouvel Age la prétention de beaucoup de sectes à
transformer radicalement le monde. Pour sa part, il prétend opérer une
réunification entre l’individu et le cosmos. On espère ainsi dépasser les
conflits, et parvenir à un gouvernement mondial, à une harmonie fusionnelle.
Mais
ce désir d’harmonie, à laquelle chacun aspire, n’est-il pas légitime ?
Si
bien sûr ! Mais on sait que l’harmonie intérieure ne peut faire l’économie
des débats, des oppositions, voire des conflits. On ne peut trouver la paix
sans déchirement et sans souffrance. C’est
justement cela que nie le Nouvel Age. L’homme y est présenté sur le mode
fantasmatique du fusionnel : il ne pourra parvenir a l’harmonie que par le
renoncement a son individualité.
Les
conséquences sont graves. On aboutit a un désinvestissement total de la
personne humaine de la vie politique et sociale. Ce discours totalitaire fait
de celui qui y adhère une proie idéale pour les sectes.
Dans
le christianisme, le Christ nous aide à changer, Il se pose comme
intermédiaire entre Dieu et nous. Ceci, le Nouvel Age le refuse: les
techniques « mentales » suffisent, plus besoin de
« sauveur » ; Nouvel Age égal auto-rédemption, et
victoire de l’ultra rationalisme. En
d’autres termes, c’est une culture de la totalité, qui s’oppose a celle
de l’altérité: avec le Nouvel Age, on est dans
l’irnmanence - nous sommes Dieu - et non plus dans la transcendance -
Dieu est la au-dehors de moi - . L’humain
et le divin étant de même nature, l’homme ne fait plus face a son
Créateur, il est a lui-même son propre créateur.
D’abord,
savoir précisément a quel groupe elle adhère. Tous ne sont pas
nécessairement des sectes ou en lien avec des sectes. Il faut donc faire
preuve de discernement.
Par
ailleurs, il est important de garder le contact avec cette personne, de
maintenir ouvertes toutes les passerelles de communication. L’accumulation
de jugements négatifs peut être redoutable: il faut toujours se souvenir qu’on
va vers le Nouvel Age dans l’espoir d’y trouver le bonheur Le Nouvel Age
est très critique à l’encontre
du christianisme. Et à l’égard des autres religions ?
Il
a une sympathie très nette pour les religions orientales, qui toutes, avec
des nuances, relèvent, comme lui, de l’immanentisme. De fait, tous les meneurs ont fait un détour par l’Orient,
avec des pratiques d’entrée en transe, d’extases? de méditation
transcendantale. Beaucoup ont fréquenté un ashram, ou ils ont rencontre un
gourou qui les a initiés. Par
contre, le Nouvel Age s’oppose radicalement aux religions monothéistes,
pour lesquelles, on l’a vu, il y a une séparation entre l’homme et la
divinité, ce qui, a ses yeux, est pathologique. Voila pourquoi, toujours
selon le Nouvel Age, le secret de la vie spirituelle est a chercher ailleurs
que dans le « carcan » d’une religion monothéiste.
Propos recueillis par Benedicte Drouin