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Une conception POLITICO-SOCIALE Basée sur un ensemble De lois et de principes cohérents |
CHAPITRE PREMIER
L'HOMME DANS SA CONDITION TERRESTRE
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402 Vivant dans un monde donné, l'homme n'est pas indépendant vis-à-vis de ce monde. S'il veut vivre, toutes ses activités doivent respecter certaines lois et principes qui le poussent, par exemple, à s'organiser en société : Il peut transgresser ces lois sans en ressentir immédiatement les conséquences. Mais celles-ci se manifestent toujours. De même qu'un homme, se prenant pour un oiseau, peut se jeter par la fenêtre et croire un instant qu'il vole jusqu'au moment où il s'écrasera au sol, de même l'homme ou la société peuvent repousser un temps certaines lois inéluctables et se croire indépendants; mais en fin de compte ils y perdront une sécurité, une quiétude, un bonheur qui s'offrent à eux.
Ces lois et principes qui régissent le monde et s'imposent aux hommes ne peuvent pas se contredire; ils sont plus que complémentaires et plus que solidaires ; ils forment un tout cohérent qui met toutes choses à leurs places avec leur importance vraie, dans l'exact respect de toutes les valeurs.
403 Cet ordre découle de la nature des choses . Il n'est pas à créer ou à imaginer ; il existe. Certains hommes, par suite d'une véritable perversion de l'intelligence, peuvent user de leur liberté pour le nier Ou s'efforcer de le détruire mais, précisément parce qu'il existe naturellement, il tend automatiquement à se rétablir. Il existe toujours et sera d'ailleurs toujours inscrit confusément au cur même de l'homme.
Cet ordre s'exprime par des relations de cause à effet, se définit par des lois cosmiques, physiques, humaines, intellectuelles, sociales. Tout cela se tient la gravitation universelle, la fission de l'atome, les phénomènes chimiques, biologiques, physiologiques, les interactions médicales, psychiques, mentales, morales, le mécanisme du raisonnement, la conscience humaine, le bien et le mal (et aussi la recherche du bonheur, la tendance de l'homme à vivre en société), l'âme, le concept de la Création, tout cela fait partie du même ensemble ordonné.
Cet ensemble constitue un tout logique et harmonieux qui est accessible à l'intelligence humaine, il situe l'homme dans ce qu'on appelle la "création", lui fait sa place exacte, lui dicte ses devoirs et ses droits. Du fait de sa cohérence il apparaît comme le fondement de la seule société qui soit respectueuse de toutes les prérogatives de l'homme.
C'est seulement en observant cet ordre que l'homme est assuré de vivre en conformité avec les lois du monde dans lequel il est né, est assuré de ne pas agir en ennemi de ses semblables, et de n'être pas en contradiction avec lui-même.
Cet ordre est en somme un guide pour l'homme dans sa recherche du bien, du mieux, dans la recherche de son véritable épanouissement. Cet ordre se situe donc aussi dans le domaine moral, la morale pouvant sommairement se définir (Larousse) comme étant "la science qui enseigne les règles à suivre pour faire le bien et éviter le mal".
Cet ordre ne dissocie pas, en l'homme, l'être animal de l'être raisonnable et il justifie même les préoccupations d'ordre spirituel qui peuvent naître chez l'homme quand celui-ci est en accord avec la finalité qu'il peut concevoir. Il respecte chacun des caractères de l'homme qu'il définit néanmoins comme un tout.
Cet ordre préside à la condition terrestre de l'homme, mais il ne faudrait pas croire qu'il enferme celui-ci dans un cadre rigide et qu'il le contraint, pour résoudre chaque problème, à adopter une solution de préférence à toutes autres.
Un architecte, à partir des désirs exprimés par son client, peut proposer à celui-ci des quantités de suggestions pour construire une maison, pour en assurer les impératifs fonctionnels, satisfaire à l'agréable en même temps qu'à l'utile tout en respectant les normes de résistance des matériaux elles règles de sécurité ; de même l'homme a toute latitude pour établir des programmes et des plans sous réserve qu'il se plie aux lois et principes dont il ne peut pas s'affranchir sans dommage ou imprudence. Tous les projets ainsi établis sont du domaine des options libres..
Et s'il apparaît ultérieurement qu'il y avait encore mieux à faire, c'est que toutes les nuances, telle l'importance relative de différents facteurs, n'ont pas été exactement appréciées.
Avant de passer aux conséquences de l'acceptation de l'ordre dont les lois s'imposent aux hommes, il convient de remarquer que rien ne s'oppose à ce que le Pouvoir jouisse, dans le respect de ces lois, d'une parfaite liberté dans tout ce qui touche l'ordre civique et temporel. On peut donc, dès maintenant, retenir qu'il existe une possibilité d'entente et de collaboration très loyale entre tous les hommes de bonne volonté sur des points fondamentaux acceptables par tous. Cette base d'accord entre tous a pour fondement l'ordre que l'on découvre dans ce monde où nous vivons. Très ferme dans ses principes essentiels, très souple dans ses applications, cette base est vraie en tous temps, en tous lieux.
Elle nous apporte:
![]() | une conception de l'homme; |
![]() | une conception de l'économie sociale; |
![]() | une conception de la communauté humaine. |
II - UNE CONCEPT1ON DE L'HOMME
A - DIGNITE DE LA PERSONNE HUMAINE
404 L'homme est par lui-même une valeur. Ce n'est pas une simple matière, une chose, une marchandise. L'homme exerce sur la matière et sur les êtres inférieurs (animaux, végétaux) une domination qui lui est possible de par sa perfection relative, sur le plan animal, et de par ses facultés intellectuelles. L'homme est, dans le monde, un être transcendant il est maître des choses.
Créature libre, il est également maître de lui-même et responsable de ses actes. Son intelligence, sa raison, sa volonté lui permettent de réfléchir et de se gouverner. il décide lui-même de ce qu'il fait et ne fait pas.
Enfin l'homme est un être social par nature. Il n'existe pas seul ; il appartient à la société humaine. Celle-ci lui procure, en échange de sa collaboration, les aides matérielles, familiales, sociales, intellectuelles qui sont nécessaires à son plein développement dans le cadre de cette société.
En dehors de toutes autres considérations plus spirituelles , la reconnaissance de la dignité de la personne humaine est un fait qui peut être admis par tous et défendu contre tous les totalitarismes, qu'ils soient d'essence dictatoriale, collectiviste, technocratique Ou financière.
Les applications du principe de la dignité de l'être humain Sont incalculables. Elles conditionnent les mesures sociales les plus audacieuses, et justifient des programmes au regard desquels certaines prétentions "socialistes" apparaissent comme de fallacieuses promesses.
Car c'est en raison du respect de cette dignité que riches et patrons doivent s'interdire d'user des hommes comme de vulgaires instruments de profit, doivent non seulement assurer tout ce qui est nécessaire à la personne humaine pour qu'elle vive dans de bonnes conditions, mais encore lui faciliter tout ce qui permet un développement harmonieux sur le plan physique, intellectuel, social, sur le plan de la sécurité personnelle et familiale, du développement spirituel' etc. C'est pour satisfaire à ce principe essentiel que doivent se développer les lois protectrices, notamment celles qui intéressent la famille, la condition des ouvriers, des femmes, des enfants, des vieillards.
B - EGALITE FONDAMENTALE DES HOMMES
405 Tous les hommes sont fondamentalement égaux, de par leur EGALE NATURE HUMAINE. Tous, quelles que soient leurs caractéristiques physiques, intellectuelles, professionnelles, sociales, par le fait qu'ils ont la même nature humaine, en possèdent l'éminente dignité, au même titre, qu'ils soient pauvres ou riches, intelligents ou frustes, subordonnés ou dirigeants.
Tout être humain peut admettre cette égalité foncière. Elle fonde le principe de la fraternité des hommes et condamne la ségrégation raciale. S'il existe donc, entre les hommes, une inégalité de fait, provenant des individus eux-mêmes ou de la société, il convient de définir une position face à ces inégalités.
406 1°) Inégalités individuelles : Elles résultent des diversités de tempérament, capacités physiques, intellectuelles, goûts, etc., qui viennent du plus profond de chaque individu. On ne peut pas faire grand chose contre ces inégalités, mais Si tous les hommes ne sont pas semblables, on ne peut que s'en réjouir.
2°) Inégalités sociales ou professionnelles : Elles découlent en grande partie des inégalités individuelles. Elles traduisent des préférences ou des aptitudes diversifiées : Tout le monde n'a pas la capacité ou le désir d'être comptable ou menuisier: Tout le monde ne peut être chirurgien: utiles et bienfaisantes inégalités qui assurent une complémentarité des activités sociales et poussent à une solidarité qui doit être le fait de chacun.
3°) Inégalités dans la possession des biens : Qu'il s'agisse de richesses matérielles, culturelles, ou de privilèges résultant d'une situation sociale, elles découlent évidemment des deux premières catégories mais elles dépendent également du travail consenti ou de positions acquises par héritage ou relations. Il est naturel qu'à cette possession "inégale" correspondent des devoirs "inégaux". Il en résulte une échelle de niveaux différents dans le "SERVIR" : à de plus grandes possibilités correspondent de plus grands devoirs. Ces différences dans la possession des biens ne doivent pas Oter la possibilité pour chacun de se développer et s'élever. Un programme d'orientation appuyé sur de solides principes 2, doit tendre à la réduction de ces inégalités, à l'ascension des classes populaires et à la promotion du monde ouvrier .
Ce sont ces mêmes principes qu'il faut appliquer lorsqu'on constate une mauvaise répartition des richesses souvent due à un désordre économique et social organisé ou toléré par certaines instances nationales: il ne faut pas admettre qu'un petit nombre d'individus ou de collectivités accumulent des richesses ou disposent de biens considérables autant que superflus, pendant que des hommes, par millions, souffrent de ne pas avoir le nécessaire.
4°) Inégalités résultants des fautes des hommes.
Exploitation de l'homme par l'homme, inobservation dés règles de justice et de charité, abus, tractations illicites, chantages, taux usuraires, etc. Il faut impitoyablement proscrire les causes de ces inégalités.
C - L'HOMME EST SUJET, ET NON OBJET
407 De par la dignité de Sa personne, l'homme ne peut être exploité comme une chose dont on dispose à son gré. De droit l'homme n'est pas un objet, c'est un sujet. Il est sujet de la vie sociale. La société est faite pour lui Un programme sera établi pour lui et non dans l'esprit de le voir réaliser par lui en vue d'avantages qui soient à son propre détriment.
De même dans les relations professionnelles, entre patrons et ouvriers, dans l'établissement de contrats de travail, c'est l'homme qui doit être le sujet de la discussion, et non l'intérêt matériel et financier qui ne ferait de l'homme qu'un outil de rendement à exploiter jusqu'à usure définitive.
Dans l'économie sociale, l'homme, sujet libre, intelligent, actif, est "producteur". Il est sujet de cette économie sociale et ses droits y sont primordiaux.
408 De la dignité de la personne humaine à laquelle s'adjoint l'égalité fondamentale des hommes découlent deux considérations essentielles:
D'abord le caractère sacré de le vie humaine donc l'interdiction de tuer un homme - et tout autant un bébé à naître ! - sous le simple prétexte de se débarrasser d'un gêneur.
Ensuite la condamnation du racisme. Le racisme est une théorie selon laquelle certains groupes raciaux sont supérieurs aux autres. D'où résulteraient des droits particuliers à reconnaître à certains groupes et des contraintes correspondantes à imposer aux autres, ces inégalités de traitement se reportant sur chaque individu pour lui attribuer les responsabilités, les avantages ou les servitudes à réserver à la collectivité ethnique, linguistique, religieuse, nationale, etc. à laquelle appartient l'individu
Une loi qui accorderait quelque avantage particulier à une catégorie "raciale", ne serait autre qu'une loi "raciste", même si elle prétend le contraire.
En revanche ce n'est pas du racisme qu'un Patagon, par exemple, rechigne à "donner sa fille en mariage" à un homme n'ayant pas la même couleur de peau. Il est normal que l'évidence de cette "inégalité" entre la fille et son soupirant puisse être considérée par le père comme une mise en garde forçant à tenir compte d'habitudes ataviques et de conceptions sociologiques extrêmement différentes. Elles peuvent faire douter de la qualité et de la durée de l'union projetée. Une simple et légitime prudence oblige donc à y bien réfléchir, et ce n'est là, en rien, du racisme.
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409 Après avoir défini une conception de l'homme, il paraîtrait normal de passer de l'individu à la famille, aux cellules sociales intermédiaires, à l'État, etc. Mais pour parler dés problèmes de la famille, de l'Etat, d'une politique internationale, il faut s'appuyer sur dés notions générales essentielles, telles la destination universelle des biens terrestres, le bien commun, la justice sociale, etc. ; toutes notions qui intéressent l'homme total en ses droits fondamentaux qui sont à la fois ceux d'un individu, d'un travailleur, d'un homme ayant famille, d'un citoyen, etc.
Il est donc logique de traiter d'abord de ces droits fondamentaux de la personne humaine. On passera ensuite (chap. 2) à une conception de l'économie sociale entièrement axée sur les caractéristiques d'une société qui soit réellement au service de l'homme. Après quoi un chapitre 3 définira une conception correspondante de la ~ (famille, corps intermédiaires, commune, État, etc.).
III - LES DROITS FONDAMENTAUX DE LA PERSONNE HUMAINE
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410 De par sa nature, pour préserver la dignité de la personne humaine, assurer l'égalité fondamentale entre les hommes, garantir sa qualité de sujet, l'homme a des droits inaliénables contre lesquels aucune raison d'Etat, aucun prétexte d'intérêt général ne saurait prévaloir. Ces droits sont essentiels et inviolables.
Les premiers droits fondamentaux à reconnaître à l'homme sont donc les droits qui découlent dés qualités inhérentes à sa personne, par conséquent:
![]() | le droit à la reconnaissance de la prééminente dignité de sa personne, |
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![]() | le droit à la reconnaissance de l'égalité fondamentale de tous les hommes, et aussi des inégalités de fait entre eux, avec, pour corollaire dés deux droits précédents: |
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![]() | le droit à la vie pour tout être humain, dès sa conception, |
![]() | le droit à sa qualité de sujet et non d'objet, |
![]() | le droit à entretenir et à développer sa vie corporelle, intellectuelle et morale, |
![]() | etc. |
Sous un aspect plus particulier on peut encore citer:
![]() | le droit à la vérité, d'où également: |
![]() | le droit à la liberté d'expression de la vérité. |
Maints autres droits particuliers découlent, pour l'être humain, de ces droits essentiels, concernant par exemple le droit à l'exercice de ses prérogatives au regard de ses devoirs et responsabilités légitimes dans le cadre de la famille, le droit à un juste salaire vital et familial etc.
Il faut spécialement commenter, en raison de leur importance dans le domaine social:
![]() | le droit à l'usage des biens matériels, |
![]() | le droit au travail. |
B - LE DROIT A L'USAGE DES BIENS MATÉRIELS - LE DROIT DE PROPRIÉTÉ
411 Le respect de la dignité de la personne humaine implique que l'homme puisse disposer de ce qui lui est nécessaire pour assurer son développement matériel et spirituel, pour garantir en particulier sa sécurité et l'élévation de sa famille.
Pour ce faire, l'homme doit pouvoir user des biens terrestres. L'exercice de ce droit, premier et fondamental, est garanti au mieux par le droit à la propriété. Il y a donc obligation à accorder le droit à la propriété autant que possible à tous les hommes.
1. - Destination universelle des biens terrestres
412 Rien de ce qui existe dans la nature n'est destiné ou réservé à une catégorie particulière d'individus. Tout doit servir équitablement aux besoins et au bien de tous les ressources du monde ont une destination universelle.
Dans le cadre de la Nation ce principe oblige à se soucier d'une répartition des ressources et d'une équitable distribution des richesses rapportées, de manière à éviter ainsi de scandaleuses disproportions entre les fortunes d'un petit nombre et les sommaires conditions de vie d'une multitude.
Au plan international ce principe définit les devoirs des nations les plus favorisées vis-à-vis des pays pauvres
2. - Il y a distinction entre le droit de propriété et le droit d'usage.
413 le droit de propriété est naturel : l'homme, être raisonnable et libre, doit pouvoir disposer librement de ce qui lui est utile non seulement pour le présent mais aussi pour l'avenir. Il "possède" donc ses biens.
Mais il n'est pas libre d'en faire un usage qui porte atteinte aux libertés d'autrui ou qui aille à l'encontre dés principes de justice et de charité. Il doit tenir compte de la destination universelle dés biens, dont les siens ne sont qu'une partie. Il doit en user pour son bien et aussi pour le bien commun en particulier pour participer à l'aide aux déshérités. Tel est le vrai droit d'usage.
La propriété n'est pas une fonction sociale, mais elle a une fonction sociale. Et c'est pourquoi l'on doit parler des devoirs de la propriété : devoir de charité qui oblige chacun à dispenser aux moins favorisés ce qui, chez l'un, excède le nécessaire et le convenable, compte tenu du milieu, de la famille et des mesures de prévoyance en face de l'avenir. Mais il est des cas d'extrême nécessité où le seul don du superflu, s'il correspond à un devoir de charité ne satisfait pourtant pas à justice. Dans ces cas, le devoir de justice commande de donner le nécessaire à celui qui en a un besoin vital
3.- LA propriété a une fonction une fonction vitale - elle est légitime - elle doit être Protégée
414 La propriété sert la vie humaine.
Sur le plan personnel, elle laisse à l'homme l'exercice de sa liberté ; elle lui facilite les initiatives et les mesures de prévoyance; elle le libère de contraintes et de servitudes matérielles. Sur le plan familial, la propriété est une base de sécurité. Elle garantit la stabilité, et met la famille dans une ambiance qui permet son meilleur développement
Sur le plan social, elle correspond au goût inné de l'homme pour la libre disposition des biens qui lui sont nécessaires. Elle permet en outre, l'exercice du devoir de justice et de charité, et, tout particulièrement, cette répartition du superflu, dont la communauté est la première à profiter. Par là elle correspond exactement à une juste compréhension de la communauté fondamentale des biens terrestres et facilite l'harmonie de la communauté humaine.
4 - Le régime de la propriété n'est pas immuable
L'histoire le démontre. Un régime de la propriété ne peut être défini comme le seul valable dans des circonstances déterminées. Il doit s'apprécier en prenant pour critère de valeur la place qui y est faite à l'homme.
C - LE DROIT AU TRAVAIL -
415 Tout homme a le droit d'assurer son existence et de trouver les moyens de pourvoir à sa vie propre et à celle de ceux qui dépendent de lui. Le travail lui en donne le moyen.
L'homme a donc droit au travail. Il s'agit là d'un droit naturel. Le travail de l'homme est "personnel", il est "nécessaire", il est "social".
![]() | 1. - Le travail a un caractère personnel.
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C'est toute la personne du travailleur qui est engagée dans son travail : ce n'est pas l'expression d'un effort qui serait en dehors de l'homme ou qui n'entraînerait qu'une partie des qualités de l'homme. Les facultés de l'homme, sa santé, ses préoccupations personnelles et familiales, ses joies, se répercutent dans son travail.
Les conditions du travail doivent impérativement respecter les limites raisonnables et les possibilités individuelles pour ce qui concerne les fatigues, les servitudes, les risques encourus.
Bien conçu dans son exécution le travail est une expression de l'homme "total" ; il est une source de perfectionnement moral et matériel ; il représente un potentiel de haute valeur spirituelle.
2. - Le travail est nécessaire.
416 Il doit rapporter au travailleur de quoi vivre et faire vivre décemment sa famille. D'où la double notion de salaire vital et de salaire familial. Et Si, contraint par la nécessité, le travailleur est obligé d'accepter un salaire insuffisant, ce n'est pas parce qu'il l'a accepté, que le patron peut se considérer comme quitte, car le travailleur subit une violence contre laquelle la justice proteste. L'employeur doit à l'employé un juste salaire. La femme qui travaille a droit également à un salaire qui, pour une même prestation de travail et à égalité de rendement, doit être le même que celui de l'homme.
Au regard de la famille, le salaire j~ est celui qui assure l'existence de la famille, et qui rend possible aux parents l'accomplissement de leur droit naturel de faire croître une famille sainement nourrie et vêtue.
Dans le cas où l'initiative privée ne pourrait satisfaire à ces conditions, les pouvoirs publics sont appelés à intervenir pour lutter en particulier contre le chômage.
Dans une société dotée d'une bonne organisation économique et sociale tout homme doit pouvoir trouver un travail qui lui assure le nécessaire. En Outre, des solutions techniques (allocations familiales, caisses de compensation, etc.) peuvent toujours être mises en oeuvre pour améliorer les conditions de salaire et faciliter les conditions de vie des travailleurs.
3.- Le travail est social.
417 Le travail par lui-même est un facteur d'unité sociale ; il rapproche les hommes associés à une même tâche, celle de faire vivre leur communauté professionnelle. De même la diversité dés professions, par leur ~ fait prendre conscience de la solidarité nécessaire entre les hommes.
La notion de dignité sociale du travail s'oppose à la conception libéraliste selon laquelle, le travail étant une marchandise, l'homme qui le fait est à considérer comme étant un outil, et à la conception marxiste pour laquelle le travail est une force productive au service de l'État socialiste.
Une conception de l'homme, rappelant les principes ci-dessus, se caractérise par son humanisme profond, par son réalisme audacieux et dynamique, par son sens de l'actualité. Elle se distingue de toute autre doctrine par son souci de la défense de l'homme, de sa libération et de son accomplissement. Elle veut rendre à l'homme sa place dans le monde.
1 - Dans cet "ordre qui découle de la nature des choses", on peut voir apparaître une notion de finalité. Cette finalité replace dans un cadre ordonné ce que l'on désigne vulgairement sous le terme brut de "la nature". En effet, dans la "nature" on trouve de tout, y compris les pires perversions. Mais ces perversions, par exemple, ne sont pas à accepter sous le prétexte qu'elles existent Elles sont dans la "nature" mais, ne serait-ce que par leurs conséquences, elles sont en contradiction avec cet ordre qui parait inscrit dans notre monde terrestre.
De même il faut bien se garder de confondre cet ordre avec "l'ordre établi". Ce dernier n'est que 1' "ordre" institué par le "pouvoir établi", et fréquemment il est en contradiction avec cette finalité que l'on croit déceler dans l'ordre de ce monde dans lequel l'homme vit.
1 - Qui pourront faire l'objet d'un développement ultérieur.
2 Nous y reviendrons plus loin. Précisons seulement, concernant les principes sur lesquels s'appuyer:
![]() | le respect des droits fondamentaux de toute personne; |
![]() | droit à entretenir et à développer la vie corporelle, intellectuelle et morale; |
![]() | droit à l'usage des biens matériels : accession à la propriété; |
![]() | la mise en oeuvre de la doctrine du "Bien commun" ainsi que le respect de la justice et de la charité sociales; |
![]() | Enfin l'application de la doctrine sur la destination universelle des biens de la terre. |
1 - On entend même dire, parfois, qu'il faut en certains cas aller jusqu'à "laisser prendre" le nécessaire ; et l'on y voit une excuse justifiable au geste des sans-logis vivant dans des conditions inhumaines et entrant, d'autorité, dans dés logements non utilisés... Une précision n'est pas inutile à ce sujet:
En quelques cas particuliers certaines personnes estiment préférable de fermer les yeux sur quelque dommage qui leur est causé par des personnes démunies du nécessaire. Cette attitude, chez un propriétaire, peut être un geste charitable à l'égard de ceux à qui on laisse la libre disposition de biens qui contribuent à un minimum vital.
Ce genre de charité évite de donner des habitudes qui risquent d'être ensuite revendiquées comme un "droit" par certains pauvres enclins à vivre uniquement de la charité des bonnes âmes. Le propriétaire conserve la faculté de s'opposer à ce qui deviendrait un abus. Une entente tacite peut ainsi se réaliser sans que le droit de propriété ne soit réellement violé.
En revanche, pour ce qui concerne les revendications abusives de squatters ou leur maintien dans les lieux, parfois légalement accorde par le pouvoir en place, une mise au point s'impose:
Dans une société bien conduite, où les hommes - à commencer par les gouvernants - auraient conscience de leur devoir à l'égard des plus déshérités, personne ne devrait être sans logis. C'est là, au premier chef, une préoccupation à l'échelon d'un Gouvernement ; et l'orientation de ce dernier est singulièrement dangereuse quand c'est lui qui admet des comportements portant atteinte au droit de propriété.
Un gouvernement, après avoir usé de tous les moyens dont il dispose, peut envisager des mesures exceptionnelles, à commencer par la réquisition. Mais tolérer des initiatives qui peuvent relever du désordre, de l'intimidation et de la foire d'empoigne, constitue une preuve de l'incapacité du Pouvoir établi, ou du caractère dévoyé de sa politique sociale.
* Ces solutions souvent louables, peuvent cependant aboutir à des déséquilibres ou à des abus quand leur régime d'application est mal orienté