La Triple Voie (1)

PREMIERE PARTIE

LA MÉDITATION

CHAPITRE I

DE LA MÉDITATION OÙ L'AME SE PURIFIE, S'ILLUMlNE, SE CONSOMME

II. En premier lieu il convient de s'instruire de la manière de méditer, sachons à cette, fin que trois puissances sont en nous, et que. polir nous exercer dans cette triple voie nous devons en faire usage, savoir ; l'aiguillon de la conscience, la lumière de la raison, l'étincelle de la sagesse. Si donc tu veux te purifier, recours à l'aiguillon de la conscience; si tu veux t'éclairer, recours à la lumière de la raison; si tu veux devenir parfait, recours à. l'étincelle de la sagesse. Ainsi le conseillait le bienheureux Denys à son disciple Timothée.

Section première

PURIFICATION DE L'ÂME

1. - DE LA VOIE PURGATIVE ET DE SON TRIPLE EXERCICE.

III. La purification s'opère en exercent l'aiguillon de la conscience.

Ton premier exercice sera donc d'abord de l'exciter, ensuite de l'aiguiser, enfin de le rectifier.

Or l'aiguillon de la conscience : 1, s'excite par la recordation du péché; 2. s'aiguise par la circonspection envers soi même; 3. se rectifie par la considération du bien.

1. Comment s'excite l'aiguillon de la conscience.

IV. - La recordation du péché procède de cette manière : l'esprit se convainc de la multitude de ses négligences, de ses convoitises et de ses méchancetés, car presque tous nos péchés et tous nos maux, soit actuels, soit habituels, peuvent se grouper sous ces trois chefs.

NEGLIGENCE. A l'égard de la négligence sois attentif à rechercher :

1. D'abord si tu n'as pas négligé : la garde de ton coeur, l'exact emploi de ton temps, la pureté de ton intention, car en effet ces trois points méritent d'être observés avec une souveraine diligence : que le coeur soit gardé attentivement, le temps employé utilement et que toute oeuvre soit dirigée à sa juste fin. - 2. Ensuite si tu n'as pas négligé : la prière, l'étude, le bien agir; parce que sur ces trois points doit très diligemment s'exercer et se cultiver quiconque veut porter de bons fruits ; aucun d'eux sans les autres ne suffira jamais. - 3. Enfin si tu n'as pas négligé: de te repentir du péché, de résister au mal, de profiter au bien.

Chacun en effet avec un soin extrême doit : pleurer le mal qu'il a commis, repousser les tentations diaboliques, avancer de vertus en vertus, afin qu'il puisse ainsi parvenir à la terre promise.

B. - CONCUPISCENCE.

V. - A l'égard de la concupiscence qui se trouve en l'homme spirituel comme en tout homme, tu dois rechercher si tu l'as cultivée, si tu la cultives peut-être encore. En voici les signes :

1. D'abord la convoitise de la chair se trahit par un besoin de friandises, de mollesse, de volupté, elle te domine donc si tu recherches les aliments et les boissons délectables, les vêtements et les meubles confortables, les entretiens et les divertissements, sensuels, qu'il est répréhensible d'admettre délibérément, mais dont l'homme spirituel doit désavouer même les premiers mouvements.

2. Ensuite la convoitise des yeux se délecte : à savoir des choses cachées ou secrètes, à avoir des choses précieuses ou chères, à voir des choses belles ou rares, en quoi se manifeste une cupidité, avarice ou curiosité condamnable et préjudiciable à l'homme spirituel.

3. Enfin la convoitise de l'esprit ou orgueil de la vie se retrouve dans le désir de la faveur, dans le goût de la louange, dans l'appétit des honneurs, qui sont choses vaines et rendent vain l'homme,- s'il s'y livre; et que tu dois fuir à l'égal du désir charnel. Sur toutes ces tendances, l'aiguillon de la conscience doit stimuler le remords du coeur.

C. - MALIGNITÉ.

VI. - A l'égard de la malice recherche si elle t'a dominé ou te domine encore; elle a pour racines : la colère, l'envie, la tiédeur.

1. D'abord la colère se manifeste : par l'émotion, par le geste, par la parole; elle trouble le coeur, elle change le visage, elle s'exhale en clameurs; elle se trahit dans les sentiments, dans les attitudes, dans les actes.

2. Ensuite l'envie se manifeste : par la tristesse du bien d'autrui, par le contentement de son infortune, par la mauvaise grâce à l'assister dans son besoin.

3. Enfin la tiédeur se manifeste : par des suspicions défavorables, par de malignes détractions, par des pensées blasphématoires.

Toutes ces formes de la malignité sont donc souverainement détestables et pernicieuses.

CONCLUSION.

Ainsi l'aiguillon de la conscience par ce tripartite examen triplement réitéré, acquerra la diligence, la délicatesse, et l'austérité nécessaires au progrès spirituel. Ton âme par cet exercice se remplira de la salubre amertume de la contrition.

La Triple voie : 2ème partie